vendredi 17 mars 2017

à l'improviste Joseph Noiret

extraits



COLLAGES-MOTS









     Parti pour un voyage
     dedans où ça chante

     parti comme on serait tombé
     dans des galeries creusées d'enfance
rêvées sur la hune
     joué aux dés des jours et du lendemain

spéléologue de soi-même

enfoncé où ça grouille
celui qu'on est
celui qu'on devient
celui qu'on ne sera pas
s'échangeant le dehors pour le dedans

fruit mûr qui monte à la sève
     dans le terreau des origines










Nous étions là
à cet instant précis de la lumière
quand tout est à refaire
sans savoir
les mains ouvertes vers la femme

avant que l'éternité recommence



PAROLES VISIBLES









La main connaît
le halètement des mots
sur le papier
en train de se durcir d'un sens

les sombres soubresauts
de la phrase en rut
qui enfantent des crevasses
dans le mur de l'être
jusqu'au souffle extrême de la lettre

à la montée du jour
dans les vallées de la nuit




COMMENT VENUE








Au pays de l'incertain
dans les contrées de la transparence
où rien ne pèse
elle est l'obscurité
elle est plus loin que le regard

opaque
elle joue le rôle majeur
dans ma partition
elle jongle avec mes limites
elle me tourne à rien

à courir les sentiers du lendemain
jetés au plus sombre
on sombre









achevé d'imprimer en 2000 à Hennebont,
on peut consulter cet ouvrage
composé de quatre poèmes de Joseph Noiret
et trente gravures de Francis Rollet
à l'artothèque Pierre Tal Coat
 

mercredi 7 décembre 2016

Le Bateau Ivre

Trois éditions dans lesquelles s'articulent poésie et arts plastiques furent réalisées au
Bateau Ivre à Hennebont avec les poètes Jean Rio, André Daviaud, Emilienne Kerhoas
et les plasticiens Lisa Le Goulven, Bénédicte Hubert-Darbois, Pascale De Laborderie,
Francis Rollet.
24 exemplaires imprimés sur un papier BFK Rives de 250g (76cm x 57cm).
On peut emprunter ces œuvres collectives à l'artothèque Pierre Tal Coat à Hennebont.

2003 Jean Rio

écrire l'amour
sans heurter les mots
qui se révolteraient
feraient volte face
ou se mettraient
la tête en bas

écrire l'amour
sans heurter les mots
qui au lieu d'entrer à petits pas
dans le cœur de chacun
se figeraient se gèleraient
refuseraient de quitter le papier
le temps gommerait leurs échos

ça y est maintenant
je vais me tourner
vers toi
ne rien dire de tout cela
de peur qu'ils ne se mettent
entre toi et moi 



2004 André Daviaud

Et s'il pleuvait des mots
Il faudrait y courir
Goûter les lèvres en haut
Ce hasard de poème
Et puis la bouche pleine
De la salive des errances
Doucement effleurer sa main
Celle qui sait tracer des signes
Cela ferait un gant de rêve
Un long chuchotis de plaisir
Pour effacer les coups de griffes
De la vie.


2006 Emilienne Kerhoas

AIR
Les corps qui ont pourri,
les corps qu'on a brûlés
depuis le premier homme.
L'air porte leur souffle
à travers les jardins.

FEU
Le ciel court,
caresse le bois funèbre;
la terre souillée
est pleine d'or.
L'invisible
a des veines de feu.
Lorsqu'elles me parcourent
j'éclate de rire.

EAU
Les lavandières de la mort
laveront nos péchés
dans les prés ruisselants
où la lumière nous efface.

TERRE
La pensée s'oriente
Le sens fulgure:
Terre.
Saveur dans la bouche de l'Ange.


mercredi 11 mai 2016

avec Jean-Paul Kermarrec


 
 
nous 
 avons réalisé un Leporello 3 volets!
 
 
 
Danser
 
 
une salamandre
et un crapaud
 
viennent de fêter
sous un roc tendre
leurs vingtièmes noces
de diamant
 
je me suis
 installé
dans leur maison
 
 
pour réapprendre
à danser
 
 

 
 
 

J'ai travailler à partir des mots
car le L3V mets en jeu l'écrit et l'image. Puis à partir d'une gravure
que je lui ai apporté il s'est mis aussi au travail et cela a bien malgré nous aboutit à la :



Naissance du monde
 
 
 
 
 
 
Pêcheur d'étoiles je guette la naissance du monde
coulis orange et pourpre d'algues ébouriffées
nasse rougie offrant sa plaie grouillant de larves
mille révolutions dans le silence sous l'écorchure de mes pensées
 
Frôlant les astéries dans les abysses j'imagine
des hippocampes boiteux rêvant de langoustes et de sirènes
des crevettes-fossiles embaumées d'or et des lumières sanguines
cramponnées aux ailes fripées d'une phalène
 
Arc-boutée aux volcans des galaxies
l'ombre soulève ici ses draperies de laves coralines
sur sa roche de sang un cormoran butine
butine le néant pour y peindre la vie
                                                       





vendredi 29 avril 2016

PREHISTOIRE DE LA COULEUR

Pour commencer, un retour aux sources avec Michel Politzer, en septembre 2014 Michel présentait aux ateliers un ensemble de dessins et peintures,  
 
quelques temps auparavant, il m'avait posté ce texte :
 
 
 
Le vent m'apporte
l'odeur des trois fauves tapis dans les graminées roses
J'aiguise mon regard d'obsidienne
la flèche noire de mon doigt tendu
trace les formes félines qui m'entourent
je poursuis le trait
l'esquisse
Indéfiniment
obstinément je deviens lionne
s'impriment
profils
muscles
les détails se gravent
au creux de mon crâne mangeur d'images
Le cercle du soleil
vibre dans le suint des bisons
l'odeur familière de la masse cornue
glisse dans mes narines
s'insinue
enveloppe mon cerveau vierge de l'aube
 
Dans la grotte
un liseré caresse les parois
dessine des failles
au détour d'une concrétion
luisante cristalline
la voûte m'offre ses doux mamelons
le mystère de ses creux
l'abrupt de ses fosses insondables
 
La graisse chaude jaillit
d'entrailles rougissantes
file entre mes doigts
mes mains
écrasent l'ocre
malaxent le rouge
broient le charbon
pulvérisent le calcaire
noir blanc frères ennemis
à jamais indissociables
couple indéfectible
aux jeux infinis
A la lueur du brandon
dans le ventre de la falaise
mon doigt s'allonge
d'une phalange excédentaire
s'orne d'une touffe de crins
liés en brosse
du bout du premier pinceau de l'histoire
je recueille l'onctueuse pâte
 
Avant il n'y avait rien
que le suintement de la paroi
mon haleine
mon souffle court
tout à coup
un glissement un crissement
le charbon trace
d'un trait incisif l'image précise
captée au grand soleil
je gronde
moi lionne
face à mon double
je prends vie
un autre profil se superpose
un autre encore
le mufle d'un auroch couronné de lyre
leur fait face
Dans cet opéra
ici
de l'homme
seule ma main se découpe
sur fond de sang
signe le calcaire luisant...
 
Dehors le monde se dédouble
dans le miroir de l'eau
mais ici
ce jour inaugure
un autre reflet du monde
la réalité visible se fige
en une représentation majestueuse
le regard de l'homme
sa mémoire
sa main
tissent dans l'ombre revenue
des liens subtils
avec la lumière
 
Une histoire est née sur la paroi
hors de notre entendement
le cri de l'homme notre frère
envahit la grotte
aux mille diverticules
L'os creux a rendu sa moelle
l'artiste appose  la main sur la roche
gonfle les joues
et d'un seul souffle au rouge
trace une œuvre énigmatique
 
Le chamane chamanise
fait chanter les sons aigrelets
des trois trous de sa flûte d'os
Au seuil des ténèbres
l'homme grave de délicates lignes
sur le manche de son couteau
en bois de renne
à lame de silex
chacun ronge son os comme il peut!
 
 
Michel Politzer  2012